Hiver, quand tu nous tiens...

- dans la nuit, sans doute...
- vous croyez vraiment ?
- sûr, on quitte pas avant...
On reste les bras ballants devant la détermination et le courage de ces trois gars et une fille, dans leurs bottes, au volant d'une grosse peleteuse jaune au couleur de la ville de Montréal.C'est la deuxième fois en une semaine que la canalisation d'eau pète sous l'effet du gel. Là, en bas de chez nous, dans cette avenue Laval, vieille artère nord-sud. On lit un peu plus tard dans La Presse, le quotidien francophone le plus lu au Québéc, que certaines canalisation ont plus de 120 ans. Les plans pour changer les 5000 kilomètres de tuyauteries doivent probablement effrayer plus d'un élu. Toutefois, nous aurons notre eau courante le lendemain, après avoir utilisé l'eau de la bouillote pour faire cuire nos pâtes ce soir là, et chauffé de la neige pour se débarbouiller le matin. Petites précisions, la bouillote du soir est bien utile pour chauffer le lit, surtout la place de Marie, mais nous ne mourrons pas de froid! et la neige est à portée de main : 1/2 mètre s'aglutine sur notre balcon! L'appartement est chauffé à l'électricité, comme il se doit, avec des thermostats dans chaque pièce, pilotant nos bouches d'air discrètes au bas de quelques murs.  

La nuit dernière, vers 3h30 du matin, on entend les sonneries lancinantes des machines de déblaiement. Mais on sait maintenant ce qu'elles font. Elles enlèvent les 30 centimètres de neige tombés il y a deux jours. Pendant que l'une d'entre elle repousse les amas sur le milieu de la rue, une autre aspire la poudre blanche salie, et recrache cela dans un camion gigantesque sur le côté. Lorsqu'il sera rempli, un autre plus loin attend en embuscade pour relayer le premier. Parfois, ils se mettent à patiner en travers de la voie, bloquant la circulation; attentifs, les passants admirent la manoeuvre; par saccade, prenant son élan, le semi-remorque se déplace lentement et passe le ressac, libérant enfin le passage. Pour prévenir les conducteurs de pousser leurs voitures, une voiture à gyrophare passe quelques temps avant; il faut aussi bien regarder les panneaux dans la rue, car gare à ceux qui laissent leurs chars trainer du mauvais coté.



La température oscille entre -10 et -20 en général, sans compter ce fameux facteur vent qui parfois repousse les limites. On a installé un thermomètre, ce qui nous permet de jeter un coup d'oeil le matin en partant. -21,5... notre record enregistré, en plein centre ville. Bon, je mets la doudoune et mon cache-col, les bottes et les gants; logiquement, j'aurai les narines sèches, qui cristalisent. Ca va aller, on va pas loin. On croise quand même quelques pitounes exhibant leurs jambes, parfois aussi des hommes propres sur eux un peu handicapés avec leurs sur-chaussures en caoutchouc, ou encore des courageux ou inconscients qui montrent leurs poils de torse, le sourire moqueur de voir nos visages emmitouflés (mais qui est vraiment le plus fou dans cette situation ?!)...

Une partie de pêche? il fallait un collègue de Sébastien pour lancer le mouvement..Saint-Anne-de-la-Pérade, antre de la pêche au Poulamon, un petit poisson qui remonte les rivières pour se reproduire en eaux douces...et là, paf, des centaines de Québéquois les attendent pendant un mois pour s'adonner aux plaisirs de la pêche à la glace. On se retrouve donc tous sur une rivière gelée, les voitures postées là sur une glace indéstructible, et il faut de l'imagination pour réaliser ce qui passe sous nos pieds.



On laisse tomber nos lignes, à l'abri dans notre cabane, chauffée au poêle à bois; nos appâts varient entre les morceaux de foie de porc, et de crevettes...ça tire mieux à droite qu'à gauche, il doit y avoir un courant ou un rocher qui guide le passage. C'est un phénomène culturel, on vient en famille ou avec sa bande de cheums, boire quelques bières et parler du dernier carton du Canadien, la fameuse équipe de hockey.
Une bonne journée qui se termine tôt : demain on tente le ski de fond au parc national de la Mauricie.