Autour des Annapurnas

27 Octobre 2006

Thorong Pass : 5416 metres

Nous sommes a Pokhara, dans l'Ouest du Nepal, ville de depart des treks. Ville sans charme mais avec un tres beau lac, sur lequel on voit cayaks et bateaux. Au loin, des parapentes font des figures aeriennes. Les agences ici nous proposent un peu tout ce qu'on veut, entre safari dans la jungle et rafting sur les torrents. Nous n'avons rien fait de tout ca, mais sommes partis 16 jours faire un trek autour des Annapurnas.

Nous sommes partis le 10 octobre, en bus depuis Kathmandu vers Besi-Sahar.
Notre Day 1 commence le 11, depuis le petit village de Bhulbhule a 860 metres.
Trois jours auparavant, nous ne savions pas que nous partirions. Mais une rencontre avec un couple de Suisses sympas nous fait franchir le pas tres vite. Le bonheur de faire des rencontres originales, et de n'avoir pas de plans, c'est aussi celui de prendre le chemin qui nous intrigue et nous plait quand on veut, sur les recommandations d'autres voyageurs.

Deux bons sacs, nous portons tout; une "bonne" carte, nous nous orientons. Pas de porteurs, ni de guide, ce qui se fait pourtant beaucoup. Il n'y a pas de grandes difficultes, les lodges nous accueillent le soir et des petites echoppes le long de la route nous ravitaillent. Un permis de trek officiel recupere en 15 minutes, puis pendant la randonnee, les Maoistes nous racketerons tout aussi officiellement pour financer leur combat contre le Roi.

Au final, 16 jours de marches pour plus de 9000 metres de montees et un jour de repos.

Nous passons de nombreuses saisons et ambiances, en suivant une riviere tumultueuse qui gronde pres de nous. Ambiance tropicale, moite, poisseuse, avec rizieres, bananiers, araignees et insectes volants non identifies repoussants. Des trains de mules nous depassent, chargees comme ... des bourricots ! Des porteurs aussi, en sandales et meme pieds nus, avec parfois un bric-a-broc imposant depassant de deux fois leurs tailles et qu'ils portent sangles sur leurs tetes, s'aidant d'un baton.

Puis, en prenant de la hauteur, la vallee se fait plus seche, plus rocailleuse et les coniferes font leurs apparitions. De longs ponts de singes tanguants, sur des cables en acier, nous permettent de franchir des rapides mouvementes. Les villages que nous traversons sont preserves malgre les trekkers. Certains ont pris le pas de proposer lodges, thes, et autres services aux touristes. D'autres non, restant sur un mode et un rythme ancestral: vivre avec le soleil, laisser les poules gambader, chercher du bois, faire secher le foin en le battant, s'occuper tres peu des enfants tout en les adorant, toujours avoir du the brulant sur un poele a bois, se coiffer leurs longs cheveux, jouer au volley, faire tourner les moulins a prieres, laver la vaisselle dans le petit ruisseau, faire du riz pour le Dhal Bat. Pourtant, le riz se trouve plus bas; ici, c'est les pommes de terres, les choux que nous trouvons. Mais nous mangeons bien et souvent un peu de tout, entre les Mo-mos (raviolis fourres de legumes, de fromage), le Tibetan bread (pain gonfle frit legerement sucre), bien sur des pates sous differentes formes. Nous aurons aussi le loisir de gouter le steack de Yack (plutot sous forme de ragout), des pizzas simples et bonnes, tout en arrosant tout cela d'un nombre incalculable de black tea sucres.

Certaines rencontres pimentent notre parcours, avec des Nepalais ou Tibetains refugies, avec des trekkers comme nous. Parfois, nous sommes totalement seuls a avancer, avec cette carte terrible qui nous trompe en permanence sur les efforts a fournir. Un couple d'Allemands adorables nous accompagent quatre jous; c'est avec eux, qu'a Ngawal, nous devrons partager une chambre a 4 car ce minuscule village en dehors du circuit classique ne peut accueillir trop de monde. Nous leur apprenons le Yam's et une bonne rigolade nous attend autour des des.

L'altitude va se faire sentir, il faut nous acclimater...et nous restons autour de 3400 pendant 4 jours avant de faire une etape a Gunsang a 3900. Demain, nous avancons franchement. Generalement, le temps est sec et ensoleille le matin, il se couvre souvent a partir de 13 h, et le vent froid nous conforte dans les choix faits sur le contenu des sac-a-dos: polaires, bonnets et gants sont les bienvenus; le soir en particulier, nous nous rechauffons difficilement, autour d'une soupe (ail conseille pour l'altitude) et parfois, l'hote nous installe sous la table des braises brulantes qui nous comblent d'aise.

Grosse journee, nous grimpons 1000 metres pour dormir au High Camp a 4880. Marie en pleine forme, malgre une baisse de regime en fin de matinee; Sebastien pas trop mal, mais une barre dans la tete se dessine et s'installe ensuite dans la nuit. Le matin, un peu de paracetamol viendra effacer tout ca. Depart 6h45, dans la neige qui est presente depuis deux jours ! Une jolie neige fraiche, glissante, en leger depot sur le chemin qui donne un effet magique au trek...et oui, nous faisons toutes les saisons d'un coup. Le soleil tente de percer, nous le voyons pas loin dans la brume et les nuages, alors que se decoupent des sommets vertigineux pres de nous. Depuis notre depart, nous sommes (presque) habitues a voir des 6, 7 et 8000 metres autour de nous ( les Annapurnas II, III et IV par exemple, plus tard le Daulhagiri a 8162, plusieurs 6000 classiques comme le Pisang peak).

Nous avancons alors que des porteurs glissent devant nous, leurs fardeaux destabilisant le fragile equilibre dans la neige. Bientot 5000 metres, le pas est regulier, le souffle court, et les battements de coeur s'emballent parfois un peu.
Partis a 860 metres, nous avons marche 10 jours et le clou du defi pour nous est aujourd'hui..au loin, des drapeaux a prieres indiquent le col, et un peu de fumee sort d'une petite cabane en pierre pas loin. Le soleil fait son appariton, et le passage du col est a portee de pieds ! 5410 metres ! Incroyables, nous sommes la, tranquilles, un peu frigorifies, et nos compagnons de route aussi. Keath l'Ecossais, les Russes, et nous regrettons Stephi et Andreas, les Allemands qui ont prefere faire une pause supplementaire plus bas. Un Nepalais malin propose des tasses de the, une fortune, mais que c'est bon.

La descente epique est perilleuse dans la neige mais nous sommes heureux. Pas de bobos tragiques, pas de gros problemes, nous avons ete a la hauteur !

La vallee vers le Sud nous plait moins mais peut-etre est-ce aussi du aux effets post-passage de col !? Apres ce defi lance, le contre-coup est la. Pourtant, dans cette ambiance minerale, cela ne ressemble en rien a ce que nous avons pu voir auparavant. Des formations rocheuses etonnantes, en clochers, une lumiere ocre, sans vegetation. Encore une fois, la carte nous trompe sur un chemin de traverse, mais cette aventure nous plait malgre tout. Lupra, petit village perdu a flanc de montagne, le long d'un lit de riviere tres large, dans un ocean de pierres ou il nous faut tracer le chemin, s'accrocher ou l'on peut pour descendre. Plus tard, nous participons a la fete du Tihar, les enfants dansent et des rubans de fleurs sont accroches partout. On nous met du tikka sur le front, rouge fluo.

Six jours apres, nous arrivons a Beni ou nous accrochons un bus, installes sur le toit pour 4 heures de route vers Pokhara. Lente et agreable route, chahutes sur les sacs arrimes, nous envisageons ces montagnes, ces villages, ces enfants et nous sommes bien. Le Nepal est agreable, deroutant, souriant, et simple.