Decouverte d'un Tibet

13 Novembre 2006

Lhassa dans la Region Autonome du Tibet de la Republique Populaire de Chine.
Alors vraiment, nous y voila (et par la les photos)...apres ces quelques jours de jeeps depuis Kathmandu.
Pas une mince histoire de venir ici, la Chine ne propose pas d'autres alternatives aux touristes. Chacun croit trouver la meilleure agence a Kathmandu mais nous nous retrouvons tous dans un seul groupe de 50 etrangers a Zhangmu, la frontiere cote Chinois.

Nous dormons deux nuits dans des caravanserails, vieux batiments pour routiers, avec des chambres de 6 puis 12, alors que le froid et la secheresse de l'air font fremir nos fragiles poumons ! Nous aurons ensuite des hotels de luxe, qui nous font comprendre le prix eleve de la prestation.
En 24 heures, tout a change. Nous sommes passes des vallees vertes nepalaises, amenagees en terrasses, a un plateau aride a 4000 metres, entoure de montagnes ocres. Au loin, des sommets vertigineux, et un matin, vision sacree de l'Everest se detachant seul.

Ce periple de 5 jours pour arriver a Lhassa se revele parfois comique, lorsque les detours promis en agence deviennent soudainement sujets a un permis special, donc impossibles. On savait que les imponderables seraient au rendez-vous; certains font des crises face aux guides impassibles. On veut bien de nous au Tibet, mais strictement encadres, et sans marge de manoeuvre. Les visites des monasteres laissent parfois un gout amer, comme une piece de theatre chinoise.
Le coeur d'un Tibet donc, et non du Tibet de nos reves. Celui d'aujourd'hui, si different de ce que nous avions pu lire ou imaginer. A recommander, le tres enflamme Tibet, otage de la Chine de C. Levenson, qui nous propulse depuis les annees 1980, et la timide reouverture aux etrangers, jusqu'a aujourd'hui, dans un dedale de ferveur tibetaine, de peuples nomades et de circumbulations autour des sites sacres, mais aussi de constructions chinoises effrenees, de ravages culturels, et de developpements acceleres. Les avis autour de nous convergent vers un sentiment anti-chinois permanent.
Certains Tibetains ne sont pourtant pas contre le progres, et l'histoire du Tibet a montre aussi que l'aristocratie et les luttes de pouvoir n'ont pas aide a faire sortir le Tibet de son autarcie, lui permettant de s'affirmer sur la scene internationale et de se developper. Les Chinois auraient-ils alors hesite en 1950 a "liberer pacifiquement" le Tibet, comme cette immense plaque commemorative le proclame en face du Potala?

Que faut-il penser de ce Tibet, de ces arteres toutes droites, aux feux rouges demesures, de ces grands magazins, de ces China Mobile et China Post, edifices gigantesques a la gloire de Beijing, Pekin ?
Du bien apres tout ? Et comment comprendre que sur ces trottoirs, des files humaines de pelerins, descendus des villages pour l'hiver, se pressent autour des lieux cultes de Lhassa, le Johkang principalement, marchant sur les Khoras emblematiques. Chacun tient son moulin a prieres, son petit tabouret parfois, et se prosterne mecaniquement, faisant tourner un moulin, touchant de sa tete un poteau tapisse de drapeaux, laissant les sites sacres sur sa droite. Nous contemplons depuis une haute terrasse des dizaines de corps qui s'allongent et se relevent au rythme de leurs prieres.

Nous passons un apres-midi a suivre une vieille dame, qui nous entraine sur son chemin, le Barkhor, ce circuit de pelerinage a Lhassa; marmonner des mamtras sacres, tourner 30 minutes autour d'un moulin, boire un the au lait de yack, mendier pour manger le soir meme, et retourner enfin dans les quartiers populaires pour la nuit, avant sans doute de reprendre le lendemain. Nous meditons sur cet etirement bienfaisant du temps et cette ferveur contagieuse, bien a l'inverse de nos jouissances immediates.

Ce plateau Tibetain si haut, si seul, si rigoureux, si tranquille nous parait bien innofensif a vrai dire. Nous roulons sur des routes de montagnes, ou nous croisons a 5000 metres, des hommes et des femmes, sur leur charettes, le nez cache derriere un masque, le chapeau de feutre bien mis sur des cheveux tresses autour de la tete, des couches de vestes et de manteaux de fourrure, ces echarpes enroulees, ces ceintures brillantes, ces joues rosies et ces regards brillants.
Tashi Dele ! Ce bonjour tibetain que nous repetons, alors que certains nous tirent la langue de maniere traditionnelle. Dans un temple inedit, cache de la route, a Zhangmu, nous serons invites a assister a une ceremonie de chants; les moines repetent des mantras, pour les hommes, pour la paix, pour la longevite des vies, pour la compassion...? Des femmes passent nous sevir du the tibetain. Un peu plus loin brulent des bougies, alimentees par du beurre de yacks cuit; de l'encens embaume le temple. Parfois des feux de genevriers enfume les rues; on voit a travers le blanc de ces nuages voler des moulins.

Cela pourra-t-il finir par s'evanouir comme le souhaitent certains Chinois ? Que cherchent-ils au Tibet depuis 50 ans ? Tous les grands fleuves asiatiques partent d'ici, du Mekong au Fleuve Jaune; l'eau, c'est la vie bien sur. On domine les grandes capitales et des silots nucleaires sont installes sur le toit du monde. Des minerais enfouis dans le sol se sont reveles difficiles a exploiter. Peut-etre payons-nous pas notre venue depuis 1984 les campements militaires et les policiers, presents a chaque carrefour ?
Le Tibet est bien difficile a coloniser, et il semble que le yack tibetain soit bien resistant face au buffle chinois. Le Dalai-Lama parle de solution finale, un terme terrible, mais il ne trouve plus toujours l'echo aupres de tous les tibetains qui voient aussi dans ce developpement des nouvelles richesses. Et Deng Xiaping, en 1992, n'avait-il pas prone que "Devenir riche est glorieux" ?